QU’EST-CE QUE UNE FAMILLE

    La Sainte Famille - Année A - (Mt 2, 13-15.19-23)                                                                 Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes par André De Vico, prêtre                                                             correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr”

 

      Voici la Sainte Famille, réfugiée en Égypte, puis rapatriée. Qu’est-ce qui a maintenu cette famille unie dans un drame si actuel? Qu’est-ce que la famille, et comment sauvegarder son bien le plus précieux, l’unité?

 

      Le mot “famille” est tiré de “famuli”, qui est un mot italique pré-romain qui désignait l’ensemble des esclaves et des domestiques qui vivaient sous le même toit. D’un point de vue anthropologique, la “famille” est un groupe social caractérisé par la cohabitation, la coopération économique et la reproduction. Dans le concept de “famille” nous pouvons intégrer toutes les personnes liées par une relation de coexistence, de parenté, d’affinité. Même dans une congrégation religieuse ou dans une entreprise économique moderne, nous parlons d’“esprit de famille”. Partout où il y a un groupe de personnes unies par les mêmes buts, intérêts, habitudes et règles, on peut parler de “relations familières”. C’est un concept trop étendu pour être enfermé dans une seule formule : comment réduire des réalités aussi éloignées à un dénominateur commun, comme la “famille dynastique” et la “famille mafieuse?” Comme dans la classification des espèces végétales et animales, par exemple, le terme “famille” est utilisé pour désigner un groupe de genres similaires. Le renard, le chien et le loup sont regroupés dans la famille des “canidés”. Comme on le constate facilement, l’usage que l’on peut faire du mot “famille” est vaste, mais n’allons pas plus loin, au risque de se perdre. L’utilisation métaphorique du mot est légitime, mais nous devons bien garder à l’esprit qu’il s’agit d’une métaphore.

 

      À travers l’histoire nous trouvons différents “types” de familles: naturelle, patriarcale, rurale, paysanne, urbaine, ouvrière, bourgeoise, libérale, démocratique, étendue (deux ou trois générations ensemble), nucléaire (père, mère, enfant), mononucléaire (statistiquement, en Italie on parle même de “famille”pour un célibataire!) ... Pour compliquer le tableau, de nouvelles formes et de nouvelles règles de cohabitation et de coexistence entre personnes de sexe identique ou différent apparaissent avec une aspiration de reconnaissance d’un statut familial. Dans un sens générique, nous pouvons constater que le terme “famille” désigne “toute communauté humaine” liée par des liens de sang, de parenté, d’affinité, d’affection, de préférences et d’intention. 

 

      Cependant, il existe de nombreux malentendus sur la réalité de la famille. Nous disons que les êtres humains naissent tous égaux et doivent être traités de la même manière, puis nous détachons certains personnages du sport et du spectacle de la liste des mortels ordinaires, nous les mettons sur un piédestal et nous dépensons un salaire pour aller les voir danser, chanter, jouer, s’amuser. Nous disons que l’humanité nous fraternise, alors que l’on est capable de se tirer dessus pour dix centimètres d’héritage. Nous disons que le monde entier est comme une grande famille, alors que nous nous remettons en question avec nos voisins pour des bêtises. Nous sommes heureux que les Jeux Olympiques favorisent la rencontre des peuples, mais nous tolérons également l’appétit d’oiseaux rapaces, que l’on nomme dans le jargon technique: les “sponsors”. La fraternité? Parfois, nous ne pouvons même pas faire confiance à nos frères de sang.

 

      Il y a ensuite certaines exagérations qui n’épargnent même pas une saine exégèse des textes évangéliques. Il y a des femmes qui parviennent à la cinquantaine en chantant et en dansant sur les scènes du monde entier, jusqu’à ce qu'elles se souviennent de leur  désir d’enfant. Si Elisabeth a eu le Baptiste dans sa vieillesse, pourquoi une femme “mature” aujourd’hui  ne pourrait-elle pas devenir mère? 

 

      Et si Jésus a été conçu par le Saint-Esprit, pourquoi pas aujourd’hui dans un labo, avec la charmante … solidarité d’un donneur anonyme? En fait, le trio, Jésus, Joseph et Marie, plus qu’une famille juive du premier siècle, semble être l’idéal d’une famille chinoise de l’ère communiste. Ainsi pourrions-nous donc également approuver les plans gouvernementaux de “limitation des naissances”.

 

      Mais la famille est-elle le résultat de la culture? Ou, au-delà de l’indéniable changement des rôles et des temps, existe-t-il un fondement qui identifie la famille en tant que telle? Existe-t-il  une “famille alpha”, devant laquelle toutes les agrégations  humaines ne sont que des pâles métaphores positionnées à distance variable?

 

      La réflexion et la pratique juridique traditionnellement consolidées reconnaissent le “noyau fondateur” d’une famille dans la capacité de deux sujets à s’aimer et à fonder une communauté de vie et d’amour, cellule de la société. Cette pratique universelle s’est matérialisée dans le “Droit de la Famille”, l’ensemble des règles juridiques concernant l’institution familiale, en tant qu’institution sociale et en tant que lien mutuel entre deux ou plusieurs personnes. La nouveauté de nos jours est que cette réalité est considérée comme l’origine de l’inégalité et du malaise de l’humanité, et se doit d’être rayée de l’histoire. Le dernier mot est inconsidérément donné à la “liberté”: chacun doit être libre de croire et de faire ce qu’il veut. Le bien humain est réduit à la satisfaction des désirs individuels. Mais alors si la famille se perd, dans quelle abîme tombe l’humanité!

 

      Il faut donc admettre que, s’il y a une fausse société, une fausse église, une fausse philosophie, un faux homme, une fausse monnaie, il peut y avoir aussi un faux concept de famille. S’il y a deux mille ans, Hérode voulait tuer l’enfant sans y parvenir, aujourd’hui il veut prendre sa revanche en attaquant le concept même de “famille”, la famille proprement dite, celle qui est basée sur la Loi et - pour les chrétiens - sur le Sacrement.

 

      Dans la Genèse nous trouvons le pilier qui soutient notre discours: “Dieu créa l’homme à son image, il les créa homme et femme” (1, 26). C’est comme si l’auteur sacré disait : “ne touchez pas à la famille, elle n’est pas comme vous la pensez, elle est faite à l’image de Dieu, et elle reçoit de Lui sa vocation et sa tâche créatrice”. Traduit en langage laïque, il faudrait lire: “sans le postulat de Dieu il n’y a pas de fondement pour la famille”. En fait, si la loi laïque rejette les vêtements sacrés avec des juges qui se présentent en jeans et chemises, alors cette loi ne vaut plus rien. Elle sera démolie par des caprices humains, et c’est ce travail qui est cours de réalisation !

 

      Il est également écrit: “Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain; si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes” (Ps 126). Les hommes peuvent faire des bâtiments, des maisons, des locatifs, des codes, mais c’est “l’Esprit” qui fait la famille (en fait on dit: “l’esprit de famille”). Pas la chair, pas le sang, pas les commodités et les contrats, pas les lois, les cultures, les traditions ou les modes actuelles, pas les découvertes biologiques ou l’ingénierie de la reproduction, mais Dieu seul élève la maison!

 

      Malheureusement, les axiomes et les postulats de ce type ne peuvent pas être prouvés par des méthodes “scientifiques”: nous sommes dans le domaine des valeurs humaines, alors que la science est précise, elle est limitée, elle est contrainte d’opérer dans les réalités factuelles. Il est inutile de demander à la science ce qu’est une famille: elle ne le sait tout simplement pas, elle ne pourra jamais le dire, ce n’est d’ailleurs pas à elle de le dire. Les deux sphères - les valeurs et les faits - devraient coïncider, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Alors, encore une fois, l’ange du Seigneur vient et dit à tous les Joseph - les hommes justes - d’aujourd’hui: “Lève-toi, prends ta famille et mets-la en sécurité. Hérode veut la tuer!”

 

      Amen

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