VENU APPORTER UN FEU

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes

 Année C - XX Ordinaire (Lc 12, 49-57)                                                      

par André De Vico, prêtre

correction française: merci à mes amis   

 

 

      “Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé! Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division!”

 

      Pourquoi ces mots si provocateurs de la part d’un homme qui avait dit d’être “doux et humble de cœur”, qui avait proclamé “heureux” les opérateurs de paix, et qui avant de mourir dira aux siens: “je vous laisse ma paix?” Même sa naissance fut saluée par des mots de paix: “… et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime”. Certes, nous avons aussi la prophétie de Siméon: “Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction - et toi, ton âme sera traversée d’un glaive - : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre” (Lc 2, 34-35). 

 

      Le “signe de contradiction” est Jésus lui-même. Il attribue à sa personne l’accomplissement du temps messianique annoncé par les prophètes, tout en provoquant l’hostilité, le désaveu, l’opposition et le refus de ses concitoyens. L’annonce du Royaume s’affronte avec quelque chose dans l’homme qui potentiellement est ennemi de Dieu, et de manière politiquement incorrecte l’oblige à se prononcer pour ou contre. 

 

      Nous pouvons constater la même opposition dans la vie des saints: tant qu’ils sont en vie ils dérangent, mais une fois qu’ils sont morts on leur dédie un autel, une Église, ils sont domestiqués et réduit comme ça nous convient. Saint Antoine, par exemple, était une vraie ”avalanche de Dieu” qui prêchait contre les riches, les magistrats et les ecclésiastiques: ”le rouge pourpre de vos habits coule le sang des pauvres!” Il meurt à 36 ans, et nous en avons fait le saint des objets égarés, des nouveaux-née qui ont la toux, des étudiants pendant leur période d’examens, et des demoiselles en quête de bon mari. 

 

      En outre il y a une inégalité de traitement, entre les saints de la justice et les saints de la charité. Les saints de la justice ne sont jamais proclamés ”santo subito”, ”saint immédiatement”, parce que plus que les autres ils dérangent le système. Personne ne doute de la sainteté du Pape Jean XXIII, de Oscar Romero ou de don Milani, pourtant ces champions de la justice n’ont pas reçu tout de suite leur sauf-conduit pour la sainteté. Au contraire, les saints de la charité - comme Mère Teresa - arrivent bien avant ceux de la justice, parce que ils ne touchent pas le système, tout au contraire: ils sont conformes aux intérêts du système.   

 

      Cela veut dire que dans l’Église, plus tu avances dans les postes à responsabilité, et plus tu risques de t’éloigner de la pauvreté du monde, raison pour laquelle il te vient plus facile de déléguer à d’autres le chapitre de la charité et réduire les saints de la charité à petite image pieuse promotionnelle. Si tu veux honorer Mère Teresa tu ne dois pas mettre des affiches, mais tu dois faire comme elle a fait. De même, ça fait des siècles que les occidentaux vont en Afrique, ils pillent tout ce qu’il y a à piller, et pour finir ils laissent des missionnaires, des bénévoles et des médecins sans frontières pour entretenir un hôpital, une école, un puits, juste des miettes pour donner de la poudre aux yeux. Nous ne faisons pas d’erreur si nous pensons que toutes ces gens qui, aujourd’hui, quittent l’Afrique et viennent travailler chez nous ils ne nous enlèvent rien, ils viennent juste jouir avec nous de ce qui leur appartient.   

 

      Il y a peu à faire: le discours le plus difficile est celui de la justice. Cela se voit dans les thèmes de l’actualité: si tu touches la justice, si, raisonnablement, tu pointes le doigt contre la magistrature, une crise d’État se déclenche. Et si la justice de l’État est le problème numéro un, imaginons ce que cela signifie pour la justice du Royaume de Dieu!

 

      Voici la contradiction qu’on constate dans la bouche de Jésus: ou tu sers le Royaume au prix de perdre la paix, ou tu te construis une paix sur mesure au prix de perdre le Royaume! En effet il y a une “fausse paix” qui s’installe dans nos familles, dans l’Église et dans le monde.

 

      Si par exemple tu veux réussir ta carrière, tu dois commencer par les péchés d’omission, c’est à dire que tu dois manquer aux devoirs essentiels de ton état. Si tu veux avancer dans les politiques, tu ne dois pas trop bien faire, sinon les pires sujets autour de toi dévorent ta chair et l’estime de toi. De même, si rien ne bouge dans l’Église, si tu cherches à faire quelque chose, tu ne rencontreras pas de meilleures sympathies. 

 

      Le Maître nous invite à ne pas céder aux compromis, au contraire: s’il nous arrive de devoir faire face à une contradiction, nous devons les accepter et les vivre: c’est le signe que le Royaume des cieux avance! Tout chrétien porte une lutte: il est lui-même “un signe de contradiction”, il est “un porteur de feu”, tout à fait comme Jésus!

 

      Amen

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