IL Y AURA DE LA JOIE DANS LE CIEL

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes      

Année C - XXIV Ordinaire (Lc 15, 1-32)                                                     

par André De Vico, prêtre

correction française: merci à mes amis

 

 

      “C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion” 

      

      Il est des paraboles qui sont prononcées pas Jésus en pleine controverse contre les scribes, les pharisiens, les représentants officiels de la Loi et de la Religion. Ils ne se considèrent comme “justes” que par le fait qu’ils lisent, s’appliquent à l’étude et à la pratique des Écritures, alors que les autres sont considérés comme des “pécheurs”. De leur point de vue, la catégorie des pécheurs est composée de gens qui pratiquent des activités répréhensibles (prostituées, usuriers …), des métiers méprisés (commerçants et bergers …) et des travaux avilissants à contact avec les matières “impures” (tanneurs de cuir qui touchent le sang, collecteurs de poubelles, travailleurs qui manipulent les cadavres …). En fait, ces gens n’ont certainement ni les moyens ni la facilité de se livrer aux études et aux méditations. 

 

      Si c’était un bon critère de “pureté”, on peut dire que la plupart des gens qui aujourd’hui sont en “circulation’’ sont “impures”: bouchers, éboueurs, employés de voirie, boursiers, banquiers, financiers, analystes de laboratoire, personnel funéraire … que des gens “sales et pécheurs”, par métier. Ils sont tellement pris dans leur sale boulot qu’ils ne savent rien de la religion, il ne vont jamais à la Messe. 

 

      Jésus souhaite justement fréquenter ces gens-là, les soi-disant “pécheurs” et “lointains”. Un comportement agaçant pour ceux qui se présument être “justes”. Manger et boire avec les “pécheurs” équivaut à entrer “en communion” avec eux, une chose que les scribes et les pharisiens ne sont pas disposés à tolérer de la part de quelqu’un qui se dit être un “prophète” de Dieu. Une bonne excuse pour avoir de quoi l’accuser. “Que de l’envie”, dirions-nous, à cause du succès et de l’extraordinaire popularité de Jésus.  

 

      Voici donc les subtilités: “si tu es un prophète, comment se fait-il que tu traînes avec des gens comme ceux-là?” Et Lui, pour répondre au chef d’accusation, il raconte: “il y avait un brebis égaré … il y avait une femme qui avait perdu sa pièce de monnaie … un père avait deux fils …” “et si un berger fait la fête pour une brebis retrouvée … si une femme est heureuse de retrouver son argent … si un père est dans la joie pour le retour d’un fils indigne … combien plus grande sera la fête au paradis, pour un pécheur repenti?” Jésus révèle le visage le plus intime du Père, celui de la miséricorde. Un Dieu qui aime le pécheur, qu’il  cherche, qu’il attend au seuil de sa maison, et dont il se réjouit du retour.     

 

      Cette réponse est scandaleuse parce qu’elle renverse les critères les plus évidents de la “pastorale” courantes des pharisiens, un enseignement qui divise les hommes en moutons et chèvres, bons et méchants, justes et pécheurs. Jésus bouleverse la conception même qu’on a de Dieu, en le présentant comme un Père bienveillant, indulgent, prêt à accueillir celui qui s’était égaré et qui à présent, désire retourner à la maison. La nouveauté de ce message est dans le “comportement” d’un Dieu qui “cherche” le pécheur et “se réjouit” de le retrouver. Étrange façon de parler de “conversion”: c’est Dieu qui “se convertit” au pécheur, et non le pécheur à Dieu! Jésus met Dieu devant l’homme, et non l’homme devant Dieu! Il invite ses malveillants interlocuteurs à voir les choses de la part de Dieu, non de la part du pécheur!   

 

      En même temps, en disant ces paraboles, Jésus rejette les objections et justifie la belle compagnie qui l’encercle: “si Dieu fait cela, moi je fais de même” “si Dieu est fait comme cela, moi je le suis de même!” “je ne suis pas venu pour vous les justes, mais pour ceux-ci qui sont des pécheurs”. Le résultat du discours est énorme: fracas d’applaudissement d’un côté, et envie noire de l’autre. Les “justes” sont irrités, déstabilisés, parce que ils voudraient un autre type de père, plus juge et moins père.

 

      Et nous, où en sommes-nous, du côté de Jésus ou des pharisiens? À quelle distance sommes-nous positionnés, par rapport au Royaume de Dieu? Si nous nous sentons être plus justes qu’aimés par le Père, nous sommes loins. Si nous prêtons plus d’attention à notre prétendue honnêteté qu’aux gestes d’amour du Père, nous nous éloignons encore plus. Si nous divisons le genre humain en païens et chrétiens, croyants et mécréants, pratiquants et non-pratiquants, mariés et divorcés, jusqu’à arriver à la justesse incontestable de notre inestimable personne, alors nous sommes vraiment en dehors. Nous nous mettons “du bon côté” et nous croyons être autorisés à juger le prochain selon un mètre qui prend modèle dans notre stature. Pour finir, nous nous émerveillons que les autres ne nous ressemblent pas, et ils font une vie sans Dieu, ni religion, ni sacrements. Pour nous, la “conversion” c’est “revenir à l’Église”. S’il nous arrive de penser ainsi, cela veut dire que nous ressemblons plus aux pharisiens qu’à Jésus.  

 

      Il est bien vrai que nous les catholiques nous avons repris l’ancien vice des pharisiens séparateurs, mais dans le bestiaire de l’humanité nous retrouvons aussi la race évoluée des laïques puritains. Par exemple, les Hauts Fonctionnaires de l’Académie Française, représentants officiels de la Langue et de la Culture, pour ennoblir et monumentaliser leur belle langue, ont délibérément complexifié, fixé est imposé jusqu’au paroxysme des critères pour le “bon usage” de la langue française, en l’honneur de la République, une, sacrée et intouchable. Il est ainsi que, en quelques décennies, avec la démocratisation de la scolarité, les Académiciens ont créé une orthographie impossible imposé à tout citoyen. 

 

      Heureusement, être “Académicien” n’est qu’un titre honorifique, et pas scientifique. On pourrait bien se passer de certaines complexifications, mais grâce aux Académiciens, les enfants de la République vont aujourd’hui à l’école avec le sentiment du banc de la torture, avec tous ces problèmes d’apprentissage, dyslexie et dysorthographie qui finissent par reléguer une bonne partie de la population dans les limbes de l’analphabétisme. Tous les français ont vécu l’horreur, mais au lieu de casser le sortilège, ils l’acceptent et ils s’obstinent à le perpétrer. Comme les adultes ont connu “le sens de l’effort”, ils estiment qu’aussi les jeunes doivent également se montrer capable de “se surpasser”. Ils ne veulent pas admettre que, s’ils ont souffert, ça a été pour rien. 

 

      Dès de début de l’Académie, l’orthographe se présente comme un dogme religieux très semblable à la morale catholique et à l’intolérance des pharisiens: les personnes seront jugés sur la base de leurs fautes en écriture. Déjà dans la première édition du Dictionnaire de l’Académie Française, il est écrit que l’orthographe a pour but de “distinguer les gens de lettre des ignorants et des simples femmes”. En fait, c’est devenu aujourd’hui une pratique courante que de “discriminer” les personnes sur la base de leur manière d’écrire: pour une erreur banale, dans le monde de l’école, de l’emploi public, du travail, de l’entreprise … tu peux mettre fin à ta carrière (et aussi rater un rendez-vous d’amour)! Une apostrophe mal mis suffit à disqualifier un CV de tout respect, ou tout un système de pensée. 

 

      Dernièrement, même sur internet des personnes sont réduit au silence pour une banale erreur d’écriture. Une liberté de parole qui est brisée au nom de l’orthographe: belle manière de démocratiser la société! Ce n’est pas l’orthographe, mais c’est la personne qui vient d’être jugée! Il est ainsi que l’Écriture de la Langue prend la place de l’Écriture Sacrée! Tous ceux qui ne savent pas bien écrire, sont relégués dans la catégorie des nouveaux pécheurs! Pourtant, si au lieu de “orthographie” j’écris “ortografie”, comme les italiens et les espagnols le font, c’est plus simple et quand-même compréhensible, donc ce n’est pas une faute, pas besoin de remonter au grec pour montrer le prédécesseur illustre d'un mot.

 

      Certaines “erreurs” d’orthographe ne sont pas des vrais “erreurs”, mais elles peuvent être utiles pour activer des ressources insoupçonnées: ce sont des tentatives provisoires d’expression, des trébuchement qui entraînent le pied, des signes révélateurs de personnalité, des indicateurs de génie, des éveils d’esprit critique. La langue n’est pas sacrée, elle n’est pas un système clos, chacun emmène sa particulière mimique, c’est pour cela que l’écriture ne l’est pas de même. Si le problème de la langue est de se faire comprendre par tous, dans un contexte, la bonne et simple … ortografie doit suivre le pas de cette exigence élémentaire. La grande et belle langue nationale, libérée d’un tas de vieux trucs, ne sera plus une torture, mais elle emmènera au plaisir de la découverte, de la réflexion, de la lecture et la relecture. L’(É)écriture ne sera plus un bien élitaire, mais l’expression d’un bien commun: il y aura de la joie dans l’école!  

 

      Amen

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