LA COMPRÉHENSION DU MYSTÈRE PASCAL

Année ABC - Jeudi Saint (Gv 12, 16)                                                                                       Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes             

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française : Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “Cela, ses disciples ne le comprirent pas sur le moment; mais, quand Jésus fut glorifié, ils se rappelèrent que l’Écriture disait cela de lui: c’était bien ce qu’on lui avait fait”      

 

      Sur le moment, les disciples ne comprirent pas le sens des derniers événements concernant Jésus, mais ils se souvinrent seulement après du sens de cette semaine si sombre et magnifique. Peut-être que nous aussi, après deux mille ans d’histoire et de nombreuses années passées à célébrer Pâques, nous nous trouvons dans la même situation de non-compréhension. En Espagne et dans le sud de l’Italie, il y a des événements folkloriques qui attirent des grandes foules de touristes: la soi-disant passion vivante. Peut-être ont-ils inventé ce laid néologisme par analogie avec la crèche vivante qui est mise en scène à Noël. Ce sont des choses qui se font en hommage à la tradition, mais qui au bout d’un certain temps tombent dans un mécanisme banal de folklore ou de festival de village.

 

      Dans les pays du Nord, à partir du XVIIe siècle, un genre musical appelé Oratorio (équivalent sacré du mélodrame profane) s’est développé pour donner une forme musicale cultivée à l’événement qui a marqué le cours de l’humanité: la Passion du Christ. Le résultat est une histoire passionnante et fascinante, à laquelle les spécialistes consacrent une écoute et une lecture attentives d’une extrême rigueur philologique. Mais aussi dans ce cas - à une échelle différente - on obtient le même résultat qu’un festival de village: ces scènes suscitent beaucoup d’admiration et beaucoup d’émotion, mais le spectateur n’est pas touché par l’événement salvifique. Il ne voit pas l’intérêt d’y participer  à l’endroit qui y est inhérent: la Liturgie. Même la Via Crucis qui se déroule dans les rues du village le Vendredi Saint peut faire office d’écran qui entrave la célébration du Mystère de Pascal. Les gens sont heureux de venir en masse pour répéter un rituel ou admirer une mise en scène, et se sentir émus par une tragédie, mais ils ne ressentent même pas le besoin d’approcher les vrais Mystères célébrés dans la Liturgie. 

 

      Cependant, il faut aussi admettre que la Liturgie, dans sa version dominicale et fériale, est également une action à haut risque. Si on n’y fait pas attention, les acteurs de la liturgie (président, ministres et assemblée) finissent par devenir des marionnettes d’eux-mêmes, comme cela se passe au théâtre avec des acteurs qui épousent une forme idéale et répètent toujours la même. En fait, je pourrais participer à une Liturgie les yeux ouverts, mais sans trop comprendre. Je pourrais me présenter avec trop de préconceptions, d’inquiétudes ou de pensées passionnelles qui obscurcissent la perception de ce qui se passe dans le Mystère: la Messe a échoué, allez en paix!

 

      Et cela  se passe comme cela: il y a trop de monde à Jérusalem, il y a trop de monde à l’Église lorsqu’un événement artistique ou folklorique intrigue les gens. Nous organisons beaucoup de choses, mais nous le faisons par intérêt, sans chercher le Royaume de Dieu. Nous ressemblons un peu à ces disciples qui pour le moment,  ne comprennent pas la portée des événements, bien qu’ils aient eu à traiter avec Jésus en personne, pendant trois ans, au coude à coude! 

 

      Si, en revanche, nous y participons attentivement, la Liturgie nous donnera de temps à autre les réponses que nous cherchons: pourquoi vivre et travailler? Pourquoi, naître, souffrir et mourir? Que faut-il espérer? Le chrétien conscient sait qu’il a été baptisé par le sang vivant du Christ, la nuit de Pâques. Le chrétien ne célèbre pas une passion vivante, mais le Mystère pascal. Sommes-nous prêts à servir, comme le Seigneur nous le demande? Et si quelqu’un veut aller voir le spectacle annuel d’une passion vivante, qu’il se rende en Chine, en Syrie ou en Egypte, pour voir ce qu’est  la vraie souffrance des chrétiens!

                

Amen

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ABC-Triduum-01 - JeudiSaint - LaCompréhe
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