ZACHÉE, DESCENDS VITE!

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes

Année C - XXXI Ordinaire (Lc 19, 1-10)                                                     

par André De Vico, prêtre

correction française: merci à mes amis    

 

 

      Zachée, descends vite: aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison!”

 

      Ce n’est pas la première fois que Jésus se rend à Jéricho, il y est connu, il y a guéri un aveugle, il y a tant de gens qui l’attendent, il s’agit d’une foule habituelle de spectateurs et d’admirateurs. Zachée est parmi eux, mais étant de “petite taille”, il se tient sur un arbre pour mieux le voir. À partir de cette position confortable il peut observer sans être vu, et rester en dehors de la foule sans trop s’impliquer. Zachée est le principal responsable des douanes de la ville, et nous savons comment cela se passe: où l’argent et les marchandises circulent, les premiers à en profiter ce sont justement eux, les garants de l’ordre. Les percepteurs d’impôts avaient donc une très mauvaise réputation et ils étaient considérés comme “impurs” par les Juifs pratiquants, traités comme des pécheurs publics. Pour obtenir le pardon de Dieu, la loi juive prescrivait à ces personnes de rembourser la somme volée, augmentée de vingt pour cent, destiner - évidemment - aux coffres du Temple. 

 

      Sous l’arbre de Zachée, Jésus se comporte d’une manière à scandaliser les gens: il quitte la foule des “fans” et il s’invite chez lui. C’est un cas difficile: il est un homme riche, et Jésus avait déjà dit à quel point il est difficile pour un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux. Cependant, devant cette considération surprenante pour sa personne, Zachée descend et prend une décision courageuse: donner aux pauvres une bonne partie des avoirs accumulés et réparer l’extorsion faite dans son travail, et même plus ce que la loi prescrit: “quatre fois plus”. Il est riche à la folie et, après la conversion, il continuera d’être riche, mais cela ne l’empêche pas d’entrer dans le Royaume de Dieu!

Les richesses ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, Dieu lui-même est “riche par excellence”, et il veut que ses créatures atteignent la plénitude de leur être.

 

      Les richesses sont injustes lorsqu’elles sont accumulées sans raison, lorsqu’elles sont échangées au lieu de la vie (et le travail) des hommes, lorsqu’elles sont utilisées pour montrer aux autres son propre degré d’importance. Il y a une quête du luxe qui se passe des relations humaines et familiales, et rend les gens malades. La Ville aura besoin de services de plus en plus sophistiqués, et l’État ne sera plus en mesure de satisfaire les caprices de ses citoyens. Il y a un luxe qui est même capable de faire monter la fièvre de la planète entière!

 

      Profitant d’un moment comique inattendu - la petite taille d’un notable riche et détesté qui, avec une certaine dextérité, grimpe dans un arbre pour pouvoir mieux regarder autour de lui - Jésus réalise le retentissant succès d’une rencontre personnelle. La considération que Jésus manifeste pour Zachée a le pouvoir de changer sa vie. La stratégie est gagnante: un premier regard de sympathie et une auto-invitation qui implique l’estime et la reconnaissance envers l’autre. Il n’est pas que Jésus lui dise: “descends, je veux te convertir, je dois te reprocher, je dois te faire un sermon …” non, mais: “descends, je veux te rencontrer chez toi!” Ce n’est pas la conversion de Zachée qui attire la sympathie de Jésus, mais c’est la sympathie de Jésus qui attire la conversion de Zachée! 

 

      Face à cette magnifique manifestation de miséricorde, Luc ne manque pas de noter la réaction des gens présentes: “voyant cela, tous récriminaient”. Même aujourd’hui, il y a une “église murmurante” des bons chrétiens qui - pour sauver leurs apparences - ne tiennent pas compte de la conversion des autres, limitant l’entrée aux seules fidèles et aux justes, c’est-à-dire à eux-mêmes.

 

      En réalité, pour grandir et pour mûrir en tant que “personne”, l’être humain a besoin d’être reconnu, estimé. Il est probable que Zachée, dans sa vie, n’ait jamais connu quelqu’un qui - au-delà de sa petite stature - lui ait communiqué le sens de sa valeur. Il est logique qu’à présent il s’investisse cyniquement pour manipuler la vie des autres. En fait, tout mécanisme de manipulation suppose une mauvaise estime de soi. Le manipulateur, en général, est le premier à être souffrant, et rien ne parvient à le faire descendre de la position d’observateur neutre qu’il s’est construite. Sans cette estime fondamentale, la vie devient plate, insignifiante, et pour une personne entreprenante et intelligente comme Zachée il ne reste plus qu’à manipuler la vie des autres, risquant ainsi d’échouer lamentablement dans le but de son existence. Le problème n’est donc pas la petite taille, mais la faible estime de soi.

 

      Nous pouvons affirmer que la richesse accumulée par Zachée n’est rien d’autre que la manifestation extérieure de ce manque profond. En fait, au moment où il rencontre quelqu’un qui le traite avec la dignité qui lui convient, il se convertit instantanément, et avec une rapidité surprenante il se rend compte de la nécessité de se débarrasser de beaucoup de ballast. Jésus a deviné son problème, son besoin de considération, et cela l’a “débloqué”, il l’a tiré de l’arbre, il lui a donné le courage de prendre des nouvelles décisions. De même, nous aussi: l’estime que nous pouvons donner aux autres peut être une baguette magique capable de faire des vrais miracles!

 

      Le premier lieu où la personne prend conscience de sa valeur est la maison, la famille. Ce n’est pas pour rien que Jésus demande à être accueilli chez lui! En pédagogie, un jeune qui se sent estimé à sa maison aura tendance à estimer les autres à l’extérieur, et il ne succombera pas à la “désorientation” quand il s’éloigne pour un travail ou pour un voyage. Un jeune qui partout dans le monde se sent chez lui, est porteur de la promesse domestique: “n’aie pas peur”. Qu’il étudie ou qu’il s’amuse, qu’il souffre ou qu’il tombe amoureux, qu’il trouve un travail ou qu’il le perde, le mot d’ordre sera toujours le même: “n’aie pas peur, tu y arriveras”. 

 

      Si “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils” (Jn 3, 16), cela signifie que Dieu a “estimé” le monde, il a “estimé” l’humanité mieux que nous les humains. “Estimer” une chose signifie être prêt à en payer le prix. Je peux estimer un cheval à partir de ses dents jeunes et sains, mais il est difficile d’estimer un homme, car au-delà d’une belle dentition et des performances quantifiables, la personne possède une dignité, une valeur inestimable. C’est comme si Dieu disait: “il y a des hommes à sauver, il y a un ‘plus de vie’ à donner, quel prix suis-je prêt à payer? le voici: j’envoie mon fils, je le fais homme, il n’y a pas de meilleur moyen …”

 

      Et nous, gens d’Église, sommes-nous capables de valoriser, d’apprécier? Aimons-nous ce monde au point de vouloir son salut, ou construisons-nous des zones bien protégées, une théologie du fil barbelé? La vie d’un homme est la seule chose qui vaille autant que la vie d’un autre homme, et s’il y a quelque chose qui peut sauver un homme, c’est un autre homme. Pour cette raison, si je veux vraiment “sauver” l’autre, je dois être prêt à investir le prix nécessaire: “moi-même”. C’est ce que Jésus demande précisément à ceux qui le suivent.

 

      Amen

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