LE PREMIER RÉFÉRENDUM DE L’HISTOIRE

Année A - Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - (Mt 26, 14 - 27, 66)        

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice   

 

 

      “ ‘Qui voulez-vous que je vous relâche: Barabbas? ou Jésus, appelé le Christ?’ Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on avait livré Jésus’ ”

      

      Dans le drame de la Passion, il y a des gens qui applaudissent, des gens qui crient, des prêtres qui condamnent, des politiciens qui se lavent les mains, un disciple qui nie et fond en larmes, un autre qui trahit et se pend ... La religion et la politique sont à l’arrière-plan du drame. Les prêtres font exécuter un prédicateur laïc, sans imaginer que de cette action naîtra un nouveau sacerdoce, une nouvelle médiation entre Dieu et l’Homme, basée non plus sur l’offrande de choses ou d’animaux, mais sur le don de soi. Tout commence par la clameur enthousiaste d’une foule qui accueille Jésus comme un roi qui prend possession de sa ville, désarmé et béni, sur le dos d’un âne, entouré d’enfants et de femmes en fête. Rien d’organisé, un triomphe spontané, une modeste solennité, des passants qui déploient des capes, des garçons qui coupent des branches et les secouent avec enthousiasme et joie. Un roi sans couronne, sans palais, sans cour, sans soldats, sans conquêtes autres que celles de sa parole. Un tel événement ressemble plus à un phénomène folklorique qu’à une véritable menace politique. 

      

      Pourtant, les dirigeants et les notables de la ville deviennent nerveux: Qui est-ce? C’est Jésus, le prophète de Nazareth! De vieux ennemis se mobilisent pour clôturer les comptes avec lui avant Pâques. Ils organisent la trahison, la remise, le recrutement des faux témoins, la pression sur l’opinion publique. En fait, ceux qui proclamaient auparavant hosanna commencent maintenant à crier: crucifie-le! Ce sont les mêmes gens, les mêmes personnes, la même place publique! En quelques heures, la foule passe des acclamations du stade à l’hostilité et la colère. Pilate comprend, en tant qu’expert politique, que cette personne est innocente, que les gens ont été manipulés. Cependant, pour apaiser les esprits, il propose une alternative: soit Barabbas, soit Jésus.

     

      Il s’agit du premier référendum de l’histoire. Le pouvoir public, pour résoudre une affaire brûlante, renvoie au jugement populaire, avec le résultat que nous connaissons: un innocent est exécuté! On dit que le peuple est souverain, en principe c’est vrai, mais quand le peuple est manipulé, il choisit toujours le pire. Il suffit de faire l’analyse des tam-tams publicitaires avant tout vote. La foule anonyme est comme une bête qui incube un monstre et lui donne naissance pour dévorer la vie des meilleurs hommes. Les Pilate de notre époque, pour faire passer une loi contraire à la morale, enivrent l’opinion publique et proposent de mauvaises questions à choix multiples, comme par exemple: que voulez-vous sauver? L’église du village ou la salle de jeux? Combien de personnes n’ont-elles pas su répondre à cette question! C’est le triomphe de l’esprit obtus sur l’esprit ouvert. Les gens eux-mêmes ne savent pas, ils doivent être informés, instruits, responsabilisés.

 

      Nous pourrions également organiser une démocratie référendaire intégrale, en veillant à ce que le peuple s’auto-gouverne quotidiennement. Il suffit d’installer une application dans tout ordinateur, et donner aux gens la possibilité de répondre oui ou non à toute question nationale. D’un point de vue technologique c’est faisable, mais faut-il vraiment le faire? Actuellement, la démocratie s’avère le meilleur système de gouvernement, mais il reste un instrument, il est perfectible, et il est également manipulable, comme on le voit dans certaines régions du monde. On ne peut pas dire que la raison des choses soit nécessairement du côté de la majorité. La convention de cinquante pour cent plus un ne garantit ni la bonté des résultats, ni la justice entre les peuples. Il peut y avoir des moments où moi et Dieu, tout seuls, nous constituons la majorité absolue, peu importe ce que tous les autres disent, tous ensemble.

 

      Amen

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