L’EFFONDREMENT DE LA TOUR

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

Année C - III de Carȇme (Lc 13, 1-9)                                                         

par André De Vico, prêtre

correction française: merci à mes amis

 

 

      “Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort? Eh bien, je vous dis: pas du tout! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même”   

       

      Jésus est confronté à deux épisodes de faits divers: une répression brutale, et un accident tragique. Il y eut une révolte de Galiléens qui refusèrent d’obéir à Pilate qui, pour des motivations d’ordre public, avait interdit les sacrifices d’animaux égorgés. Mais le fanatisme religieux est pire que les hooligans du football, ou qu’une manifestation violente de gilets jaunes. Ces Galiléens-là ne voulurent rien savoir, et ils accomplirent quand même leurs rituels de sang. En guise de sanction pour leur désobéissance, Pilate égorgea ces fidèles obstinés, “mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient”. Une scène horrible: du sang humain et du sang animal mélangés ensemble! Il n’y avait rien de pire, pour un fidèle obsédé par les rituels de sang et cette idée récurrente de “purification”. Une mort qu’aucun hébreu n’aurait jamais osé le moins du monde s’imaginer!   

 

      Deuxième épisode: il y eut l’effondrement brutal d’une tour du Temple qui tua dix-huit ouvriers qui travaillaient à sa construction. Une belle reconnaissance, de la part d’un Dieu qui enterre ceux qui travaillent pour lui sous un tas de décombres! Et encore, ces gens qui partirent en pèlerinage chez Padre Pio et moururent dans le bus précipité du haut du viaduc! Quel genre de Dieu avons nous-là, qui fait mourir ses fidèles écrasés comme des rats?      

 

      Quand des faits similaires arrivent, l’opinion publique, normalement distraite par des choses bien futiles, se lance dans des grandes questions théologiques: “qu’ont-ils fait, ces pauvres gens, pour subir un sort si terrible?” On y donne différentes réponses: “Dieu est cruel, Dieu ne prend pas soin des hommes, Dieu n’existe pas”. En Israël, au temps de Jésus, on trouvait une réponse encore plus avantageuse et accomodante: si Dieu les a châtiés, cela veut dire qu’ils étaient des pécheurs, qu’ils ont payé pour les péchés de leurs parents ou de leurs ancêtres.     

 

      De mȇme, les titres des journaux, pour donner une couleur intéressante à un fait divers, et monter le degré de l’attention d’une opinion publique devenue de plus en plus insensible, utilisent des termes théologiques, et parlent de ce “maudit” pont qui s’est écroulé, de ces innocentes “victimes” sur les routes du samedi soir après un bal en discothèque. Il y a une propension diabolique à voire dans les disgrâces d’autrui le doigt pointé d’un Dieu qui juge et assigne des punitions et des peines capitales. Après tout, “ils l’ont cherché, ils l’ont mérité”. Au fond, rien de mal: si ça n’arrive qu’aux autres, si j’ai survécu et je n’ai pas été impliqué, cela veut dire que je suis un brave homme, et que le bon Dieu a fait un miracle pour moi. Le malheur des autres atteste de ma bonne conduite. Après tout, si cette fille avait voulu éviter le viol, elle n’avait qu’à rester chez elle, éviter les vêtements sexy.    

 

      Jésus n’entre pas dans le sujet, il n’a pas d’intérêt à vouloir déterminer la racine du mal qui se manifeste dans les faits divers. Mais à sa manière, il donne une réponse: “croyez-vous que ces gens étaient plus pécheurs que les autres? Non! Si vous ne vous convertissez pas, vous connaîtrez tous le même sort!” Cela signifie que, dans les faits divers, il est inutile de faire un procès à un Dieu qui n’intervient pas. Par contre,  je dois me remettre en question, car cela me concerne:  j’aurais pu moi aussi me trouver sous ce tas de décombres! Alors, le moment est venu de me convertir, “maintenant”, parce que, si quelque chose devait vraiment arriver, qui me donnerait une seule minute pour me préparer, pour laisser mes affaires en ordre? 

 

      Dans la création il n’y a pas de malédiction, mais toute chose est “bénie” par le geste créatif de Dieu, même si le ciel menace de tomber sur ma tȇte. Ce que l’on appelle: “victimes”, en réalité ne sont pas des vraies “victimes”, parce qu’aucune divinité, à partir de l’époque d’Abraham, n’est autorisée à toucher le prix du sang humain pour satisfaire l’envie et la haine contre le Créateur. La “malédiction” sort du coeur humain et reste collée à la langue de la personne qui ose la prononcer: “mau-dire” est un “dire-du-mal”. Alors, si je devais mourir écrasé par une voiture ou précipité dans un ravin, ce serait sans doute une chose sérieuse, mais la vraie disgrâce n’est pas là. Le vrai malheur se déroule dans le coeur humain, quand il dit: “non!” à sa conversion!    

 

      Il n’est pas de lieux “maudits”, ni de “victimes” du sort, mais tout lieu est béni, même s’il y a eu une tragédie. En y passant, je suis invité à réfléchir, à changer ma façon de penser, à poser une fleur, une prière. Si ça arrive aux autres, ça arrive à moi. Ça c’est un “bien-dire!”, une “bénédiction!”

 

      Amen

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