LE DIEU TROIS FOIS SAINT

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fȇtes 

               Année C - V Ordinaire (Lc 5, 1-11)                                                              

par André De Vico, prêtre - correction française: merci à mes amis 

   

 

      “Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre: ‘Saint! Saint! Saint, le Seigneur de l’univers! Toute la terre est remplie de sa gloire’ ” (Is 6, 1-3) 

      

      Isaïe a une vision gigantesque et terrifiante de Dieu, il voit la gloire du Seigneur, il voit “les pans de son manteau” qui remplissent le Temple, il voit la fumée de l’encens se répandre en toute direction. En fait, la gloire du Seigneur ne peut pas être limitée par le Temple, ni par la terre. Le monde que l’homme connaît n’est qu’un misérable escabeau à ses pieds.  

 

      Des êtres mystérieux apparaissent, un choeur de Séraphins qui chantent des mots de gloire, un chant dans lequel des paroles de Sainteté s’imposent, ou plutôt: ils se divisent en deux choeurs qui dialoguent et chantent avec des voix tonitruantes, en criant l’un à l’autre: “Qadosh, Qadosh, Qadosh!” Pour comprendre, il faut s’imaginer un stade de cent mille personnes qui hurlent à l’unisson le même slogan! Imaginons que ce stade ait l’ampleur de toute la vallée. Les hauts-valaisans seront mieux placés pour enchaîner la séquence: “Heilig, Heilig, Heilig!”, à laquelle les bas-valaisans répondront avec non moins de vigueur: “Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire …” À partir de là, les deux populations pourront trouver un accord sur tout: “Er ist ein Heiliger …” “C’est vrai, c’est vrai: il est vraiment Saint …” 

   

      Le mot “Qadosh”, qui traduit le concept hébraïque de Sainteté, suggère une idée de “séparation”, de “diversité”: Dieu est “totalement autre” par rapport à tout ce que l’homme peut dire ou penser de Lui. À la manière latine: “Sanctus, Sanctus, Sanctus!” Avec un concept moderne: “Absolu, Absolu, Absolu!” En effet, le mot “ab-solutus”, “libre de …” exprime une idée d’altérité. En termes psychologiques: “Autre, Autre, Autre …” Il est bien vrai qu’une culture narcissique comme la nôtre, occidentale, réfractaire à reconnaître la divine Altérité, sera encore moins disponible à accepter que cette Altérité se soit révélée à l’homme / Isaïe, pour lui adresser un appel. 

 

      Cependant le prophète, devant la présence divine, expérimente un frisson de terreur: il n’est pas possible de s’approcher de Lui sans en mourir, et pour cela il s’interroge sur son sort: “Malheur à moi! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures …” Isaïe ne connaissait pas encore le narcissisme. D’un côté, la transcendance totale de Dieu, de l’autre, l’aspect éthique de l’expérience humaine, toujours insuffisante, toujours en manque de quelque chose. C’est là que la triste folie du “transhumanisme” voudrait prendre la place de sa “transcendance”. Mais cet obstacle est également franchi: un Séraphin lui pose un charbon brûlant sur les lèvres pour les “purifier”, littéralement: pour les “passer au feu” (pũr = feu, en grec)

     

      “Séraphin” veut dire “créature de feu” “globe de feu” “celui qui brûle sans se consommer”. Chaque Séraphin a six ailes: deux pour se couvrir le visage, deux pour voler, et deux pour se vêtir. Le Séraphin est un être mystérieux, à l’intérieur d’un mystère, et au service du mystère: sa tâche est de proclamer la Sainteté de Dieu. Le Séraphin est un “publicitaire” de Dieu, il est quelqu’un qui de toutes les manières possibles dit sa Sainteté, la répand, la fait résonner partout. Le charbon allumé est une partie de lui,  un petit morceau de son être de feu et de lumière. 

  

      Chaque fois que dans l’assemblée nous chantons l’hymne séraphique, nous devrions sentir sur notre langue le charbon allumé d’Isaïe! Chaque fois que nous quittons l’Église, après une célébration de la Parole et de l’Eucharistie, nous devrions traverser la place publique et rentrer à la maison avec la langue purifiée, pacifiée, propre. Est-ce le cas?

 

      La divine Sainteté se reflète dans les créatures, et de fait plus l’homme s’approche de Dieu, plus il devient saint, lumineux, comme s’il était entouré d’un halo de lumière. Au théâtre et à la télé, la lumière vient des projecteurs, mais pour celui qui s’approche de Dieu, la lumière lui parvient de l’intérieur. Les philosophes néoplatoniciens ont tellement bien expliqué ce point, qu’on pourrait penser qu’ils ont été des “chrétiens” bien avant nous. Saint François fut appelé “le Séraphin de Dieu”, pour la lumière qui émanait de lui. 

 

      “J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait: ‘Qui enverrai-je? qui sera notre messager?’ Et j’ai répondu: ‘Me voici: envoie-moi!’ ” (Is 6, 8). Tout se joue sur un trinôme: la Sainteté de Dieu, son appel, ma réponse.

 

      “Ô Toi l’au-delà de tout, comment t’appeler d’un autre nom?”

      Amen

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