LA BÉNÉDICTION DU REGARD MATERNEL

   Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes 

Année C - Sainte Marie, Mère de Dieu (Lc 2, 16-21)                                  

par André De Vico, prêtre - correction française: merci à mes amis

    

 

      “Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur”

       En commençant la nouvelle année civile, la Liturgie associe  les motifs les plus diverses: nous invoquons la bénédiction divine en demandant, par l’intercession de Marie, le don de la paix. Dieu indique à Moïse comment “poser son nom” sur les Israelites, par la belle formule: “Que le Seigneur te bénisse et te garde! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix!” (Nm 6, 22-27). 

 

      Le sens de la “bene-diction” est de “dire-bien” des autres. Dans l’imaginaire de quelques-uns, la bénédiction se réduit au geste furtif que le prêtre fait pour libérer un mort, pour être sûr qu’il soit vraiment mort, qu’il ne revienne pas la nuit à la maison jouer le fantôme. En réalité, grâce à ce texte merveilleux, on voit bien comment Dieu “bénit” le peuple, et le peuple “bénit” Dieu! Les prêtres “bénissent” les fidèles, et les fidèles “bénissent”, ils “disent-bien” de leurs prêtres! Les parents “bénissent” leur fils, approuvent leur choix, et les fils “bénissent” leurs parents, ils sont contents d’eux! Faisons alors en sorte que Dieu “dise bien” de nous! “Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage”. Un visage qui est le reflet de Dieu! Et pourtant, il nous est plus facile de montrer des visages tristes, malheureux, des visages de brigands, de mafieux, de personnes soupçonneuses qui interprètent le regard autrui: “il m’a regardé de travers!” Peut-être que celui-là ait fait une grimace parce que il avait le nez qui pence, ou pour étouffer un éternuement!

 

      Aussi Marie se voit “regardée par Dieu”: “il s’est penché sur son humble servante”. Elle était humble, donc Dieu ne pouvait que “regarder” son humilité. Par contre, si quelque chose est “tordu” en moi, il est logique que je me sente “regardé de travers” par d’autres: c’est mon regard qui “tord” les choses, comme si c’étaient des colonnes baroques. Il arrive parfois que les personnes craignent le “mauvais oeil”, ou le “sort” qu’on pourrait leur jeter par un regard envieux, sans même qu’ils le sachent. D’ailleurs on peut se demander - si un “mauvais oeil fonctionne?” Bien sûr que oui: mais à condition d’y croire. Si mon âme est trouble, ce ne sera pas la méchanceté d’un autre qui aura de l’emprise sur moi, mais je serai à l’origine des “zones d’ombre” qui me rendent plus vulnérable. Au contraire, si je vis ma foi sous le regard bienveillant de Dieu, l’œil méchant, mauvais, des autres n’a même pas le pouvoir d’arracher de son bulbe un de mes poils. Cela va de soi! Du reste, la meilleure arme contre le mauvais œil c’est Jesus lui-même qui nous l’offre: “bénissez ceux qui vous maudissent!” Qui pourra dont toucher une telle personne?

 

      Le regard extérieur entraîne notre rapport profond avec les personnes. Un petit enfant regarde sa mère, et tout ce que les deux n’arrivent pas à se dire, s’expriment avec un regard. C’est une expérience inégalable, quelque chose qui, peut être, se représentera dans un rapport d’amour. Quand on contemple un paysage ou une œuvre d’art, on y retrouve des sensations similaires, mais jamais aussi riche que l’échange de regard entre un nourrisson et sa mère. Le réveil sonne, le bébé a faim, il y a l’urgence du besoin, il pleure, sa mère lui offre le sein, le bébé suce, il satisfait son besoin et il se calme. En ce moment-là, le bébé est rassasié, avec les petits yeux baissés, comme un petit Bouddha qui a éteint son désir dans le nirvana du contentement, comme un chaton sur le radiateur … Il y en a eu assez: “vel satis!” Il est bien satisfait mais … il se refuse de partir, il “bricole” le teton de sa mère, pourquoi? 

 

      On voit bien que, après le lait, il cherche quelque chose d’autre, un autre type de nutriment: sentir la présence de la mère, être nourri par la présence de sa mère. Un nutriment qui passe par un sein qui à ce moment-là devient quelque chose de plus précieux: “le signe”. Une super-maman sait comment transformer le “sein” en “signe”, et elle ne le refuse pas. Elle devient “la mère du signe”, celle qui donne le juste signe à une demande de présence, de reconnaissance, d’amour. Le sein et le signe, bien entrelacés, constituent le futur support du “sens”, l’horizon de vie, etc. 

 

      Voici le “signe” de la bénédiction, le signe de la mère: un regard qui s’oriente vers ce qui est bon, ce qui est jouissant! Et cela est le fruit de la paix! Une personne en paix avec elle-même, sait regarder, sait bénir, sait être ami. A ce propos, un moine rapporte une belle expérience: 

 

      “J’ai assisté un malade, un malade qui m’était cher, et je ne savais pas qu’il y avait une magnifique affection, je dirais intacte, enviable, entre lui et sa femme. Pourtant, à un moment donné, il a cessé d’appeler la femme, et il a commencé à appeler la mère. J’ai médité sur ce fait … Étrange: [avant de mourir] il a cessé d’appeler sa femme, et il n’appelle plus que sa mère … intéressant …” (1)

 

      (1) Cf. David Maria Turoldo, “Oltre la foresta delle fedi”, Piemme, Milano 1996, pp. 85-86

Télécharger
Réflexion complète à télécharger en Pdf
NoëlC-04-LaBénédictionDuRegardMaternel.p
Document Adobe Acrobat 93.0 KB