TON PÈRE ET MOI

Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes 

Année C - La Sainte Famille (Lc 2, 41-52)                                                  

par André De Vico, prêtre - correction française: merci à mes amis

 

 

      “Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant!” 

      Dans le monde occidental, le rôle paternel est en crise, au point qu’on l’estime presque comme un “accessoire”, pour la croissance de l’enfant, parfois élevés par des mères “singles”. Dans les premières années de notre vie, la figure dominante est bien sur celle de la mère, qui offre nourriture, tendresse, chaleur, protection. Mais si cela ne dépendait que d’elle, peut-être que le détachement ne se produirait jamais. Les mères font des choses fantastiques pour leurs fils, elles expriment toujours un certain degré de possessivité, mais quand elles vont trop loin, elles sont même capables d’envahir et ruiner la vie et leurs futurs mariages. Attaché à sa mère, l’enfant est une sorte de “Narcisse” à l’état pur: il vit une sorte de fusion béatifique, il se rêve centre de tout, il imagine que le monde change et se modifie à son gré, il se croit tout-puissant, tout simplement parce que il pense que la mère lui appartient. Tout est à lui, tout lui est dû, et si ce ne lui est pas accordé, c’est la crise: ce sont des hurlements, des éclats d’agressivité et de violence.

 

      Le sens commun et la psychologie du développement connaissent bien l’importance de la figure paternelle. Pour un enfant, le moment venu, le nid ne lui suffit plus, il ressent de nouveaux besoins, il doit sortir et se mesurer avec le monde extérieur, mais il se sent petit et vulnérable, comme un poussin sans défense, il avance et se retire de sa mère en même temps, et c’est à ce moment-là  qu’il croise la puissante figure paternelle, qui d’abord l’écrase et le fait souffrir. De fait, en réalisant ce nouveau contact avec le père, homme adulte, porteur de la “norme”, l’enfant expérimente le fait de n’être pas lui le tout-puissant, mais d’être lié à des règles parfois pénibles à respecter. Il doit apprendre qu’il y a une limite à tout, qu’il lui faut à gérer son agressivité. L’entrée du père est vécue comme un vrai traumatisme, une vraie souffrance. Pour la première fois, l’enfant se rend compte que le monde n’est pas à ses pieds.    

   

      Toutefois, ce coup douloureux le rend plus fort. C’est comme une seconde naissance: c’est un “passage obligé”, une manière d’entrer dans la vie. C’est en effet au père de montrer à l’enfant le chemin à prendre, c’est à lui de montrer “comment faire” pour gagner sa place en société, c’est à lui de montrer “les bijoux de famille” pour que les enfants se construisent en tant que mâle ou femelle. Tout cela est exprimé par une belle métaphore: le père est celui qui coupe “le cordon ombilical psychologique” qui tient l’enfant encore attaché à sa mère. Ce n’est pas simple, c’est même très délicat, mais cette chose se produit spontanément, partout dans le monde, à toute latitude. L’ancien lien cassé, l’enfant est alors habilité à engendrer, lui aussi, à devenir parent, à son tour. Les pères, essentiellement, servent à ça, et si un père malheureusement n’est pas là - les situations de vie sont tellement diversifiés - il est nécessaire que quelqu’un d’autre le fasse à sa place.

 

      L’influence de la figure paternelle se constate aussi dans la vie de foi. Le facteur décisif qui détermine le passage de la religion d’une génération à l’autre, n’est pas l’Église, avec ses parures et ses catéchismes, mais la famille. Si un parent ne se rend jamais à l’Église, il est bien difficile qu’un fils le fasse, devenu adulte. En sociologie on constate une relation entre la fréquence religieuse des parents et l’attitude des fils à l’école. Une participation ecclésiale régulière, est associé à un sens civique élevé, et se traduit en “respect” pour les autres composantes de la vie commune. Mais le fait que les fils fréquentent ou pas une communauté de foi, ne doit pas constituer un intérêt hiérarchique ou institutionnel: ce serait plutôt un devoir des parents, qui offrent les soins, de l’éducation et des valeurs de la vie. Ce sont les adultes, et non les enfants, qui doivent se  convertir.

 

      Si hier la société était patriarcale et machiste, aujourd’hui, avec cette abondance des biens disponibles, et une divine Providence transférée à l’appareil de l’Etat, la société est en train de se “féminiser”. Les fils deviennent de plus en plus vicieux et narcissiques, jusqu’au point de détruire leur vie et celle des autres. Il faudrait une famille plus “équilibrée”, telle que celle de Jésus, Joseph et Marie, qu’aujourd’hui nous retrouvons ensemble au Temple! Marie se laisse précéder par l’autorité de Joseph: “ton père et moi …” Joseph se tait, parce que sa femme a déjà parlé en premier. Peut-on s’imaginer, dans les couples de nos jours, une attitude plus démocratique?   

 

      Amen

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