LA MAISON DE DIEU

Année B - IV Advent (Lc 1, 26-38)                                                                                            Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes   

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph”

 

      Le livre 2 de Samuel, au chapitre 7, rapporte un épisode très emblématique. Le roi David a terminé la phase turbulente de sa vie, ses raids de capitaine d’aventure sont finis, il a réussi à unifier les tribus d’Israël dans un seul État, il a construit un palais pour lui et pour sa cour. À présent il s’assoit et il réfléchit: “J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile!” Alors il pense: c’est inadmissible que je sois dans le luxe, pendant que les Tables de la Loi se trouvent encore dans une tente! La noble pensée lui vient donc à l’esprit de construire un Temple, afin d’accueillir dignement la présence de Dieu à Jérusalem. Il se confie à Nathan, le prophète de la cour, qui approuve le projet: “Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi”.

      

      Dans les figures de David et de Nathan, la politique et la religion s’accordent pour construire un temple, une maison de Dieu. Lorsque les hiérarchies politiques et religieuses décident d’élever une œuvre publique pour la gloire de Dieu, cela peut cacher bien autre chose. Il fut un temps où les principales villes de France s’étaient offert le luxe de construire une cathédrale plus belle que celle de la ville voisine: “La pierre devient statue, musique et poésie, et tout monte vers les étoiles, sur les murs et les vitrés, l’écriture est architecture …” (Riccardo Cocciante, Le Bossu de Notre-Dame). En réalité, pour achever ces immenses constructions, il n’y avait pas seulement besoin de la musique et de la poésie, mais aussi d’une dose massive de fierté, de présomption et de gens dévoués à toutes sortes de spéculation. Quoi qu’il en soit, il est relativement facile d’officialiser un abus de construction et de bénir la première pierre.

 

      Heureusement, Dieu a des projets autres qu’humains, tels qu’ils contredisent la réponse favorable du représentant officiel de la religion. En fait, le même soir, Nathan reçoit de Dieu un contre-ordre sec à rapporter à David: “Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite? C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis …” Il semble que Dieu, répondant au désir dévoué de David, ironise: veux-tu vraiment me construire une maison? Mais ce sera moi qui te ferai une maison! Comment?

      

      Voici: au moment où David aura terminé ses jours et retrouvera ses pères - qu’il oublie alors cette idée de vouloir construire un temple - Dieu suscitera pour lui un descendant spécial, un Messie Sauveur, qui viendra de sa maison, de sa famille, de la nouvelle dynastie qui va commencer avec lui. Désormais, grâce à ce projet divin, Israël ne regardera plus vers le passé, mais en direction de celui qui doit venir stabiliser ce trône à jamais. Est-il possible d’imaginer d’un royaume, un empire ou une démocratie rester stable à jamais? Certainement pas: tôt ou tard, toutes les organisations humaines tombent, aussi bien l’économie que la politique ou l’administration de la justice. Mais maintenant, grâce à ce plan, la nostalgie laisse place à l’espérance!

      

      Même si le fils Salomon succède à David dans le projet du Temple, Dieu n’a vraiment pas besoin de maisons, de cathédrales, ou d’églises. Il n’est pas possible de l’enfermer dans un temple ou un espace particulier. C’est plutôt à nous d’avoir besoin d’un lieu pour vivre, pour nous réunir, nous rencontrer, reconnaître, chanter, célébrer. Parfois, à niveau hiérarchique ou  populaire, nous comptons sur la splendeur des bâtisses pour augmenter notre importance ou pour couvrir nos défauts, mais Dieu ne veut pas ça, il n’est pas possible de se moquer de lui en construisant une église ou en lui promettant un ex-voto: Dieu veut habiter la conscience, la vie de l’homme! 

 

      Nous venons à l’église en pensant faire plaisir à Dieu, lui rendre visite chez lui, faire des liturgies exactes en son honneur, et nous n’avons pas encore compris qu’en réalité le bon plaisir de Dieu est d’habiter une vie humaine innocente, irréprochable et pure! Avec quelle présomption allons-nous lui dire: nous allons te construire une maison? Comme il a fait avec David, Dieu pourrait nous répondre: Voulez-vous me faire une maison? Mais c’est moi qui vais vous faire une maison! Pour son compte, Dieu peut aussi habiter le creux d’une main, l’œil d’un enfant, les callosités d’un homme qui travaille la terre, le fer, le bois.

 

      Il y a des gens qui, comme David, pensent d’abord à leur luxe et à leurs trafics, puis vers la fin de leur vie se souviennent qu’ils auraient dû … avoir le désir de la maison de Dieu! David savait comment construire une nation, mais sur ce point-là il a pris un énorme retard. 

 

      Ainsi, la réponse de Dieu aux projets humains aura lieu ailleurs, à Nazareth, dans la maison de Marie, en dehors de l’espace sacré du Temple, dans la plus évidente simplicité de son quotidien. 

 

      Amen

Télécharger
Télécharger le fichier en pdf
B-Adv-04a - LaMaisonDeDieu.pdf
Document Adobe Acrobat 76.5 KB