LE GRAND COMMANDEMENT

Année A - XXX  Ordinaire (Mt 22, 34-40)                                                                                Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue; Anne Mayoraz, éducatrice

   

 

      “ ‘Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable: ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même’ ”

      

      Le plus grand commandement est celui de l’amour, mais quand on y pense, l’amour est-il un commandement? L’amour peut-il être commandé? Qu’est-ce qui est plus important, la loi de l’amour, comme le dit l’Évangile, ou l’amour de la loi, comme le veulent certains religieux et pratiquants? Cette loi de l’amour ressemble bien à la règle d’or de l’humanité: “ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse”. Sous une forme évangélique: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”. 

 

      Nous nous retrouvons nous-mêmes devant le miroir, devant lequel nous ne pouvons certainement pas mentir! Si j’ai un bouton sur le nez, le miroir me le montre inexorablement, bien sûr! Aimer son prochain comme soi-même est difficile car il suppose un amour-propre sain et nous n’arrivons pas toujours à accepter nos limites. Nous nous détestons même dans notre apparence physique. Nous faisons des erreurs que nous ne pouvons pas nous pardonner alors que peut-être Dieu nous a déjà pardonné. Nous ne savons pas comment nous aimer de la bonne manière, et cela se transforme en agression envers les autres. Le tremblement de terre de la violence a pour épicentre l’âme de ceux qui la produisent.   

 

      Dans la reconnaissance de l’embryon humain, la même règle s’applique aussi: je suis un embryon, si tu me touches, tu me blesses, alors ne me touche pas! En vertu de la règle d’or, la Loi des États devrait dire: ne touchez pas l’embryon! Il y a quelque temps, la Cour de Justice de l’Union Européenne a interdit le brevet et l’utilisation expérimentale ou commerciale de l’embryon humain, mais elle l’a fait pour des raisons juridiques, certainement pas pour ce sens élémentaire du respect dû à la vie humaine. Le simple fait de congeler un embryon pour pouvoir l’utiliser après la mort de parents biologiques pose des problèmes énormes et insurmontables, du point de vue patrimonial et financier.

     

      L’amour du prochain n’est parfois qu’extérieur, superficiel. Il y a des personnes qui, ne sachant pas comment rester à la maison et en paix avec elles-mêmes, se consacrent à des œuvres caritatives ou  font du bénévolat dans une paroisse ou une association, pensant que cela les aiderait à résoudre certains leurs problèmes. Elles voudraient faire le bien ... aux dépens des autres. Comme elles n’ont pas été éduquées à bien faire le bien, avec ces quelques croyances confuses qu’elles ont reçues, ces personnes ne provoquent que des catastrophes autour d’elles. À la fin, elles s’en prennent aux autres et elles s’en vont en claquant la porte, gonflées de ressentiment. C’est un signe que l’amour pour les autres, dès le premier instant, n’était pas sincère, mais était affecté par des passions égoïstes et des désirs de gains personnels.

 

      Le dicton de Saint Augustin - prononcé de manière très impérative - est célèbre: “aime et fais ce que tu veux” (1). À première vue, il semble être une invitation à profiter de la vie, une version chrétienne du carpe diem du poète latin Horace. La phrase devient: tout est permis, du moment que l’on aime! Allez prononcer cette phrase devant un adolescent en pleine inflorescence hormonale, et voyez le sourire qui naît sur son visage, se demandant pourquoi les parents ne lui ont jamais dit cela.

 

      Cette phrase se rencontre avec une certaine superficialité même sur les magazines féminins. Beaucoup sont prêts à y souscrire, ce qui signifie qu’elle est adoptée comme un laissez-passer pour tout, tant qu’il y a de l’amour. Par exemple, quelqu’un pourrait envisager de devenir un acteur pornographique légitimant son futur travail par le besoin d’aider les personnes aux passions éteintes. 

 

      Quel monde étrange: d’une part, si l’on nous présente un vin frelaté sur le marché, tout le monde crie au scandale et demande une compensation, et d’autre part,  nous avons accepté et nous sommes devenus dépendants de nombreuses indécences dédouanées avec le label de l’amour.

 

      En réalité, cette phrase de saint Augustin a un sens très différent, qui autorise entre autres l’adolescent lui-même à être puni par ses parents! La phrase nous emmène sur les chemins de la charité et de la correction fraternelle. Augustin lui-même explique comment cela doit être compris. Il y a des moments où, face à un proche qui a fait une erreur, il est impossible de savoir ce qu’il faut faire: parler ou se taire? Corriger la personne, au risque de la contrarier, ou ne rien faire, au risque qu’elle se perde? Voici une règle qui est bonne dans les deux cas: aime et fais ce que tu veux. Si tu parles, tu parles par amour. Si tu te tais, tu te tais par amour. Pas besoin d’aller plus loin, avec cette belle phrase qui plaît à tout le monde, et s’adapte à toute situation: aime et fais ce que tu veux.

 

      Dans la grande majorité des situations, il suffit donc de peu pour frelater ou ruiner l’amour. À cause de cela, l’amour doit être offert entièrement au Seigneur: cœur, âme, esprit! L’amour peut donc être commandé, en effet: il doit être commandé, sinon avec le temps il devient tout autre chose!

 

      (1) Homélie prononcée le samedi de l’Octave de Pâques de l’année 407

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