DIEU ET CÉSAR

Année A - XXIX  Ordinaire (Mt 22, 15-21)                                                                              Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue; Anne Mayoraz, éducatrice 

 

 

      “Alors les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode: ‘Maître … donne-nous ton avis: Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur?’ ” 

      

      Piéger  Jésus est évident dans la délégation - composée de deux factions - qui se présente à lui. Le premier parti est celui des pharisiens nationalistes, hostiles aux occupants romains,  donc si Jésus répond: oui, l’hommage à César doit être payé, il serait accusé d’être un ami de César. Les seconds sont ceux du parti d’Hérode, pro-romains et complices du pouvoir, donc si Jésus dit: non, l’hommage à César ne devrait pas être payé, il serait accusé d’être contre César. Un piège astucieusement étudié, afin de retourner contre lui toute réponse possible. Les pharisiens et les hérodiens sont des ennemis, mais en politique, on le sait, quand il y a un ennemi commun, même les partis adverses trouvent des moyens de convenir d’une action commune. 

 

      Mais Jésus se montre beaucoup plus intelligent que les deux partis réunis: il invite l’un des pharisiens à sortir une pièce de son sac, les forçant à admettre qu’ils profitent eux aussi de quelque chose qui vient du pouvoir impérial: vous détestez les Romains, mais leur l’argent vous convient! Les pharisiens qui détestent Rome ressemblent un peu à des terroristes qui voudraient détruire l’Amérique: ils détestent les Américains, mais si on leur apporte une valise pleine de dollars, ils ne disent pas non. D’où la fameuse réponse de Jésus: “Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu”.

      

      Sur la base de ces paroles, les premiers chrétiens ont enseigné le respect de l’autorité, ils payaient les impôts et ils priaient pour les gouvernants. Mais l’empereur romain exigeait les honneurs divins, sa statue devait être encensée et vénérée dans tout l’empire. Les premiers chrétiens, ne reconnaissant pas le caractère sacré du pouvoir impérial et refusant de s’incliner devant la statue de l’empereur, ont été accusés d’athéisme et persécutés. Les chrétiens ont été les premiers à laïciser le pouvoir, en affirmant que l’empereur n’est pas un dieu, mais seulement un homme. La différence est abyssale: ils ne prient pas l’ empereur, mais ils prient pour l’empereur.

 

      Bien sûr, les impôts doivent être payés, mais quand César se prend pour  un dieu, c’est une autre affaire. Lorsque Mussolini a fait la paix entre l’État et l’Église avec les pactes du Latran (1929), certains ecclésiastiques éminents l’ont célébré comme un homme de la Providence et ils sont descendus dans les gymnases pour bénir les fanions fascistes. Pouvons-nous imaginer, aujourd’hui, un président de la Confédération homme de la Providence? Il est déjà difficile pour les hommes de s’avérer à la hauteur de leur rôle, et encore plus d’assumer celui de la Divine Providence!

      

           Aujourd’hui, “Donner à César et donner à Dieu”,  signifie beaucoup de choses. Cela signifie que celui qui commande n’est pas un dieu, que le pouvoir n’est pas sacré, que la science n’est pas absolue, que le progrès technique n’a rien pour justifier l’arbitraire d’un acte médical sur la vie humaine.

 

      Quand l’ Homo Laicus assume un pouvoir absolu sur la nature et sur la vie, il fait une chose hybride qui a bien peu de laïcité, quelque chose qui  ressemble plutôt à l’arrogance d’un petit dieu sur terre, à la divinisation de l’empereur. Lorsque la laïcité exclut toute considération morale et religieuse, elle finit par s’imposer elle-même comme une morale et une religion. Le spectacle d’une laïcité qui s’impose avec ses dogmes, ses absolus, ses fondamentalismes, est de plus en plus fréquent.

 

      Les chrétiens ne diabolisent pas l’État, ils prient plutôt pour les gouvernants même en temps de persécution, ils enseignent l’obéissance à l’autorité, le paiement des impôts et la légalité du service militaire. Les chrétiens ne s’opposent à l’État que lorsqu’il établit des lois contraires à la vie et à la personne, avec la présomption de se placer comme un ordre sacré, un État intouchable, divin. Les chrétiens qui ont compris leur rôle de chrétiens, agissent en vrais laïcs, c’est-à-dire qu’ils réalisent l’idéal laïc au vrai sens du mot: la démystification des absolus qui manipulent la vie et la personne. Chacun doit donner à César, comme chacun doit donner à Dieu.

 

        Amen

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