LE TRÉSOR ET LA PERLE

Année A - XVII Ordinaire (Mt 13, 44-52)                                                                                Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

 

      “Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout et il achète ce champ …” 

 

      Jésus parle en paraboles, il dit des petites choses pour exprimer les grandes, sans excès. L’emploi des paraboles n’a rien de mystérieux ou d’ésotérique. Au contraire, Jésus veut ouvrir l’esprit des gens à la compréhension des desseins cachés de Dieu. En fait, en fin d’histoire, comme on le fait avec les petits enfants, il demande: “avez-vous compris tout cela?” (Mt 13, 51). En d’autres occasions, Jésus parle en paraboles pour que ses adversaires ne puissent pas comprendre du tout. Dans ce cas-là, il s’agit d’un voile tendu sur le mystère de Dieu. Au lieu de révéler, les paraboles cachent. Le problème ne vient pas du côté de Dieu. Le mystère insiste plutôt du côté d’un homme qui refuse de comprendre. Face à la lumière, il préfère fermer les yeux. La compréhension des desseins de Dieu n’est pas quelque chose de divin, mais réside dans l’attitude de l’esprit.

     

      La parabole est une tête qui bourgeonne tout le temps, qui offre de nouvelles significations  chaque fois qu’on la reprend dans les différentes saisons de la vie. Nous avons là deux types de discours. Le premier vise l’essence: il est  typique de l’homme de peu de mots, du contemplatif, de l’ermite, de celui qui partage la parabole. Ce discours vient du sage dont la parole se perd difficilement, au contraire, elle a la capacité de transformer les choses. Le deuxième discours est fait de mots qui remplissent l’air uniquement pour faire du bla bla.

      

      Même en philosophie, comme les essences des choses naturelles nous restent inconnues, la raison s’efforce de comprendre, mais elle comprend seulement qu’elle ne comprend rien. L’alphabet humain est si pauvre face au mystère du monde, que pour dire une chose, il lui faut recourir à une autre. Le mot lui-même n’est rien d’autre qu’un outil allusif, une comparaison, un comme si ... Voilà donc la nécessité de parler en images, en paraboles, de dire une chose en en évoquant une autre.

      

      Jésus n’a pas échappé à l’effort de dire l’indicible, d’exprimer l’inexprimable. Lui-même s’interroge: “À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu?” (Mc 4, 30) “Il est comme une graine de moutarde ...  comme un levain ... comme un trésor caché ...”  Ce sont des choses concrètes, petites et réelles. La vérité réside à l’intérieur des choses simples, il n’y a pas besoin d’aller chercher loin. La communication est efficace: les gens comprennent. Jésus a parlé clairement, pour tout le monde, et a dit des choses si simples que même un enfant est capable de les comprendre. Ainsi, dans la trame des vérités quotidiennes, nous pouvons découvrir “Ce qui était caché depuis la fondation du monde”.

 

      Dans l’étude classique de Jérémias sur les paraboles, nous lisons que le thème du trésor caché était bien connu dans le folklore oriental. Quand Jésus parlait de ce trésor, il devait penser à un récipient d’argile plein de pièces d’or et pierres précieuses. Il était nécessaire de protéger ce trésor. Les gens ne pouvaient pas tous se permettre d’avoir un coffre-fort dans une maison fortifiée. La solution la plus évidente était d’enterrer l’argent. En outre, les guerres qui en ce temps-là traversaient la Palestine, carrefour de culture et d’intérêts commerciaux entre la Mésopotamie et l’Egypte, contraignaient la population à cacher souvent les choses de valeur. Il se pouvait qu’à la mort de quelqu’un, son trésor demeure dans l’oubli jusqu’à sa découverte inattendue, des années plus tard. L’heureux paysan de la parabole, un pauvre salarié qui travaillait pour le compte de tiers, voit le pied de sa vache s’enfoncer dans le terrain et retrouve un trésor. Il cache sa découverte, il achète le champ, et le trésor lui revient. D’un point de vue juridique et formel, il agit correctement: selon la loi, le trésor fait partie du champ qu’il vient d’acheter (1) 

 

      Dans l’épisode de la perle, il y a un petit marchand d’articles très recherchés dans l’Orient ancien: des perles capturées dans la mer Rouge, le golfe Persique et l’océan Indien. Le vendeur tombe sur une perle vraiment extraordinaire, une rareté pour laquelle il vaut la peine de tout vendre pour la racheter! Une perle de grande valeur, emblème de grandes attentes!

 

      L’élément décisif de la parabole n’est pas l’acte d’acquisition ou d’achat, mais le fait que ce paysan a été bouleversé par la taille de sa découverte. Cela se passe ainsi pour le Royaume des Cieux: chaque personne qui tombe dessus et s’y reconnaît, est envahi d’une joie si grande qu’elle bouleverse tous les sens. Tous les amours d’avant pâlissent face à ce qu’il ressent grâce à cette nouvelle splendeur. Il n’y a rien qui puisse tenir la comparaison, il n’y a pas de prix qui puisse sembler trop élevé. C’est l’expérience de ceux qui découvrent la Foi!

 

      Le Manifeste de Jésus se lève comme un coup de trompette: “Les temps sont accomplis: le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile” (Mc 1, 15). C’est à dire: courez tant que vous le pouvez, tirez profit de l’occasion, ne la laissez pas vous glisser entre les doigts. Vous êtes en face de l’unique chose qui puisse vous sauver de la faillite, vous risquez de tout rater ... 

 

      Mais parfois nous ne nous mettons pas sur la même longueur d’onde que le message. Dans un temps où on arrive à s’offrir une assurance contre le mauvais temps en cas de vacances, la dernière préoccupation des gens semble justement le Royaume de Dieu: “ils regardent sans regarder, ils écoutent sans écouter ni comprendre ... le cœur s’est alourdi” (Mt 13, 13-15)  

 

      1) Cf. Joachim Jeremias, “Le Parabole di Gesù”, Paideia Editrice, Brescia 1973, pp. 242-245

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