LE BON GRAIN ET L’IVRAIE

Année A - XVI Ordinaire (Mt 13, 24-43)                                                                                  Réflexion sur l’Évangile du dimanche et des Fêtes

par Andrea De Vico, prêtre                                                          

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue;

Anne Mayoraz, éducatrice

 

      

      “Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla …”

 

      Un semeur: image d’un Dieu qui répand la bonté, auquel s’oppose une présence obscure, un voisin envieux qui pendant la nuit cherche à saboter les champs de celui qui vit en face de chez lui. Jésus exprime dans ces deux lignes-là tout le drame qui se passe dans le monde: les bons et les mauvais grandissent les uns à côté des autres, malgré l’autre, en dépit de l’autre. Le bien et le mal sont inextricables. Les semailles: la patience de Dieu qui prend soin pour sauver le bien, au point de tolérer le mal qui grandit autour de lui! C’est comme dire: laissez! Que les scandales viennent! Tout ce qui est bon mûrit quand-même! Jésus n’arrache pas tout de suite l’ivraie, ne coupe pas le figuier improductif, ne chasse pas Judas du groupe des douze, mais il lui lave les pieds en continuant à l’appeler ami

 

      Mȇme si on a la tentation de dire: ce monde est un échec, ce n’est pas nécessaire de désespérer, le dernier mot n’a pas été dit, le temps de la décision n’est pas encore arrivé. Un jour tout cela sera fini, le bon grain sera cueilli, et le mal cessera pour toujours. Personne ne peut dire d’avance qui est bon et qui est mauvais, qui mérite le paradis et qui partira pour l’enfer. Impossible de donner des jugements définitifs. Le bon grain et l’ivraie, au début, se ressemblent. Avoir plutôt la capacité de cohabiter avec ce qui est négatif. Cette Église, cette communauté, ce pays, est un corps mixte.

 

      On dit que le Malin n’existe pas, qu’il n’est pas réel, que ce n’est qu’une façon de parler, une fiction littéraire, une représentation imaginaire, une personnification des forces négatives. Mȇme dans la prédication et la catéchèse on n’en entend presque plus parler, et pourtant il continue à semer en secret, il sait bien ce qu’il doit faire, il part en douce, comme dans la parabole. Le Malin est devenu si fourbe qu’il réussit à se rendre invisible non seulement dans les champs ouverts, mais aussi dans les replis des esprits les plus illuminés. Sur l’internet, j’ai trouvé que: “les filles bien vont au paradis, les méchantes partout”. Bravo! Si tu es sage, tu es naïve! Compris? 

 

      En effet, dans le passé, pour préserver les jeunes des mauvaises influences, dans les écoles et les collèges les garçons étaient rigoureusement séparés des filles; ils ne pouvaient pas s’approcher aux fenêtres, il y avait un contrôle du courrier, des livres et des visites; le dimanche on faisait la promenade en ville en colonne par deux, accompagnés par le préfet de discipline. Ce système-là a-t-il fonctionné? On ne dirait pas. À l’intérieur d’un collège, il y avait toujours  une brèche dans le mur ou un trou dans la serrure, pour donner aux jeunes gens la possibilité de parler de ce dont il ne fallait pas parler, et de désirer ce qu’il ne fallait pas désirer. Cela veut dire qu’une protection externe ne sert à rien, si la personne n’apprend pas à se protéger de l’intérieur.

 

      Jésus parle du Malin avec réalisme et clarté, il en affirme l’existence et la façon d’agir. Le Malin s’oppose aux desseins de Dieu et lui barre le chemin à tout instant, inlassablement et ceci jusqu’à la fin des temps. Il n’est donc pas question de bons et de méchants, juste pour séparer les gens et se mettre du bon côté, mais du blé et de l’ ivraie, des fils du Royaume et des fils du Malin. Il y a une paternité qui vient du Malin. Si dans l’ordre naturel, personne n’a la possibilité de choisir son père, il y a un autre ordre où l’on a la terrible possibilité d’adopter un mauvais père. 

 

      Qui est le parent adoptif que j’ai choisi pour moi? Qui sont mes professeurs, mes philosophes, mes chanteurs, mes idoles du moment? Que sont-ils en train de semer dans mon champ?                                                                 

 

      Amen

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