LA JEUNESSE, ÂGE DE PASSAGE

Réflexion sur le service de la pastorale Diocésaine de la Jeunesse

à l’occasion de la présentation du service

aux  participants du “Parcours Théodule”

Maison diocésaine “Notre Dame du Silence”, le 09-11–2019 

par Andrea De Vico, prȇtre aumônier pour la jeunesse

correction française: Nicolas Donzé, toxicologue

 

 

      L’un des grands soucis de l’Église est de transmettre la foi et l’évangile aux nouvelles générations. La “Pastorale Diocésaine de la Jeunesse” est un service “pastoral”, parce qu’il exprime l’action de l’Église; il est “Diocésain” parce que il dit la bienveillance de l’Évêque par rapport au monde des jeunes. Et si nous voulons leur transmettre la foi, il nous faut répondre à une question préalable: qui est ce jeune? Qu’est-ce que la jeunesse, ses problèmes et son principal atout?

 

      Les anciens avaient posé une liste des sept âges de la vie: “infantia, pueritia, adulescentia, juventus, gravitas, senectus, grandævitas”. Elles sont sept, comme le nombre des planètes et les jours de la semaine. Les diverses étapes de la vie correspondaient à autant de fonctions sociales: l’âge des jouets et de l’école, l’âge de l’amour et des sports courtois, l’âge de la cavalerie et de la guerre, l’âge de la magistrature et de la science, l’âge de l’étude et de la dévotion. La parabole de la vie humaine s’élevait lentement, rejoignait son acmé (la floraison de l’adulte), puis subitement commençait à redescendre.

 

      À présent l’adolescence se dilate et s’étends jusqu’à prendre une grande partie de la vie. Par contre, l’ȃge adulte est en train de perdre son centre de “gravité”, l’ancienne “gravitas”, c’est à dire la manière pondérée de l’homme mûr qui prend des décisions “pesées”. Les anciennes fonctions sociales font place à la seule dimension de la consommation. En fait, l’adolescent est visé en tant que consommateur idéal. La publicité véhicule l’image d’un individu apparemment “sans âge”, et la parabole d’autrefois semble devenir une ligne plate. De façon un peu caricaturale, on peut dire que les sept âges de la vie se sont réduites à trois: l’enfance, la jeunesse éternelle de 20 à septante ans, et l’âge du home, sans une vraie correspondance de rôle social. En effet les rôles sont confus.      

 

      Dans ce contexte aplati, quel est le problème principal des jeunes? Peut-être ne vient-il des jeunes eux-mêmes, mais des adultes: le manque de l’adulte, son absence, son analphabétisme éducatif. Le but de l’éducation est de prendre un enfant et de l’accompagner jusqu’à qu’il devienne libre, conscient et responsable mais … à votre connaissance, y-a-t-il un événement socialement reconnu qui donne aux jeunes la sensation de prendre congé de leur adolescence et d’être finalement devenus des hommes et des femmes? Est-ce-qu’ils deviennent adultes à 18 ans? Est-ce-qu’un diplôme, si important qu’il soit, leur indique: “dorénavant vous êtes des adultes?” Est-ce-que le service militaire et le travail sont encore en mesure de leur donner le sentiment de prendre en main leur destin de vie? Sans l’adulte, et sans la foi de l’adulte, in n’y a pas de communication d’une génération à l’autre, et c’est la première fois que cela se passe dans l’histoire.

 

      Dans les sociétés primitives et rurales la réponse était très simple et bien précise, et elle impliquait une “initiation” à la vie adulte. Les jeunes devaient franchir des obstacles et donner preuve de courage, de maturité et d’indépendance. Avec le cérémonial et la preuve initiatique, ils recevaient l’information capitale de “l’entrée à l’âge adulte”. Par contre, l’actuelle société de consumérisme est plutôt intéressée à retenir les individus dans un état de consommateurs inconscients, donc l’initiation ne se fait pas. Le mythe de la jeunesse éternelle s’empare de tous les âges de la vie, et se met en compétition avec la maturité de l’adulte, en l’effaçant. Les adultes rêvent de leur jeunesse et font tout ce qui est possible pour l’entretenir, pour se tenir en forme et sembler des jeunes. On arrive à dire que “la jeunesse est une dimension de l’esprit”, mais ça veut dire quoi?

 

      Les vrais jeunes constatent le modèle manqué des adultes qui singent les jeunes, et restent confus, perplexes, sans un vrai repère. Il est ainsi qu’à leur manière les jeunes réagissent, ils s’inventent eux-mêmes leurs preuves initiatiques et ils tentent d’accéder à l’accomplissement, “l’âge accompli”. C’est là que les “comportements à risque” se déclarent, de trois façons.

 

      L’“ordalie” est une sorte de “jugement divin” des sociétés germaniques: si tu passe par le feu, tu es innocent, si tu meurs, tu es coupable. De même, il y a des jeunes qui défient la mort, et ils jouent le tout pour tout pour avoir une légitimation à leur vie. Par exemple: le défi de passer les feux rouges à toute vitesse, les sports extrêmes … On dirait même que les jeunes interrogent la mort pour légitimer leur existence par le fait d’avoir survécu. Échapper à la mort signifierait retourner à une vie plus sensée et plus heureuse. De cette manière, des jeunes vont à la recherche du “sens de la vie” par le moyen du danger et des situations difficiles, ils cherchent des ennuis pour trouver les limites qui leur manquent, les règles que les adultes n’ont pas été en mesure de leur donner.

 

      Avec le “sacrifice”, des jeunes suppriment une partie de leur être pour sauver l’essentiel: tatouages invasifs et douloureux, cicatrices, dépendance des drogues, boulimie et anorexie ... Puisqu'ils ne se voient pas accepté par le regard des adultes, et personne ne leur a donné la permission formelle de trouver leur place en ce monde, ces jeunes se blessent eux-même dans leur chair, dans le but de payer symboliquement le prix de leur existence, pour diminuer la douleur d’exister. 

 

      La “candeur” est une troisième stratégie, peut-être la plus courante, la plus facile, lorsque des jeunes ont tendance à s’annuler eux-même, à effacer leur l’identité. Ils ne veulent plus être eux-même, ils ne veulent plus être quelqu’un, ils ne veulent plus rien valoir, pire, ils ne veulent plus compter pour rien ... Cette attitude se retrouve dans le décrochage scolaire, dans le vagabondage, dans la recherche de toute sorte d’ivresse, dans l’adhésion à une secte, dans l’extrémisme des vocations religieuses ... Puisque je ne suis rien et je ne vaux rien, je me donne à Jésus. Ces jeunes ne recherchent plus les sensations satisfaisantes, mais l’inconscience totale, la fuite du monde.

 

      Malgré l’erreur, ces preuves auto-initiatiques sont des comportements qui permettent aux jeunes de résister. Ce sont des formes de résilience et d’adaptation aux situations douloureuses. Ce sont des signes avant-coureurs, des demandes d’aide, des besoins de reconnaissance. Les adultes doivent ouvrir les yeux et reconnaître le malaise, accompagner, être compréhensif, montrer le jeu savoureux et excitant de la vie! Déclarons-nous “adultes” et renonçons à cette idée moche et mercantile de la jeunesse, car elle a créé une monstrueuse confusion. 

 

      En effet les jeunes ont devant eux des différentes gammes de possibilités de vie, mais ils ne peuvent pas les suivre toutes, il doivent choisir, il doivent se décider. La décision prise, ils se déterminent dans un sens, donc toutes les autres voies restent à tout jamais coupées. Les adultes, par contre, sont ceux qui ont déjà joué avec leurs possibilités de vie, et ils doivent vivre avec ce qu’ils ont, tout le reste est révolu. Il n’est pas possible de revenir en arrière et reformater l’existence, ils peuvent plutôt se réinvestir à partir de là où ils sont situés. 

 

      Si nous ne comprenons pas cela, si nous empêchons les jeunes de nous rejoindre, bercés par le rêve impossible d’une jeunesse éternelle, nous volons leur vie. Soyons donc adultes, agissons en tant que tels, parce que un adulte accompli est attrayant, il est moralement digne de ce qu’il fait, il fascine les jeunes! La jeunesse n’est qu’un âge de passage! Pour les atouts de la jeunesse, la parole a Gaetan …

 

      Fin 

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